Article classique gaétan 20-12-2019
Au nom de la loi, les produits à base d’huile de palme ne peuvent plus bénéficier d’exonération fiscale en France, à partir du 1er janvier 2020. Mais au nom des intérêts du groupe pétrolier Total, le gouvernement est en train de rouvrir grand la porte à l’utilisation de cette matière première particulièrement nocive pour les écosystèmes. L’extraction d’huile de palme est une cause majeure de déforestation et de dérèglement climatique.
Il y a un an, un amendement à la loi de finances 2019 a exclu les biocarburants « à base d’huile de palme » de la liste ouvrant droit à un taux réduit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) – appelée à être remplacée par une taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants (TIRIB).
« L’huile de palme ne sera jamais durable. On transporte par tanker des centaines de milliers de tonnes d’huile de palme depuis l’Asie du Sud-Est vers les pays d’Europe. En termes de coût carbone, c’est une horreur », expliquait alors le rapporteur de l’amendement, le député Modem Bruno Millienne. Le texte a été voté contre l’avis du gouvernement.
Pourtant, en fin d’après-midi de cette même journée du 19 décembre, alors que la note de la direction des douanes était déjà rédigée, le cabinet de la ministre de la transition écologique Élisabeth Borne expliquait par écrit à Mediapart et l’AFP qu’« il n’y aura pas de décision en catimini sur les critères de durabilité des PFAD ». Et qu’« une concertation large et transparente se tiendra début janvier avec les acteurs économiques comme avec les associations environnementales ».
À la question de Mediapart, « le gouvernement ouvre-t-il la porte à l’utilisation des PFAD par la raffinerie de Total La Mède ? », le ministère de la transition écologique a répondu : « Non, le gouvernement souhaite d’abord qu’une concertation se tienne début janvier. » Il était pourtant en train de se passer exactement le contraire de ce qu’essayait de nous faire croire la communication gouvernementale.
Au niveau européen, les PFAD ne figurent pas dans la liste officielle – dite « Annexe IX » – qui énumère les matières premières éligibles à la classification de biocarburants « avancés », étiquette qui fournit elle aussi un bénéfice économique aux opérateurs économiques. Une position partagée par la France dans sa stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée pour la période 2018-2030.
u vu de l’émoi suscité dans les cabinets ministériels par ce sujet depuis 48 heures, il semble que ni le ministère de l’écologie, ni Matignon ne soient à la manœuvre. Les liens entre Emmanuel Macron et Patrick Pouyanné sont directs et anciens. En juin 2017, le PDG de Total déclarait que l’élection du nouveau président était « un saut dans la modernité »(à partir de 6 min 07 dans ce lien). « Total a perdu au Conseil constitutionnel et n’a pas réussi à convaincre les députés, réagit Sylvain Angerand pour l’association Canopée-Forêts vivantes. Plutôt que d’accepter les règles de la démocratie, le gouvernement cède à son lobbying éhonté. Nous, nous ne céderons pas et nous irons en justice si le gouvernement s’entête. »